La plainte, la plainte, dis-la, mais que l'issue soit heureuse.
( Eschyle )
Ca a commencé un 11 septembre, comme quoi Lamalèvre, vot' bien fidèl' servante, et bin dévouée, ( qui n'a jamais tué ni tuer personne, quoi qu'on en dise ), elle vidait des godets sur le zinc de la MaiZon en putassant vaguement - comme si sa mine pénétrée des vérités supérieures pouvait lui laisser une seule minute l'illusion qu'elle va racoler une des lumières qui traînassent up there ), comme quoi donc qu'elle était là au bar, à frotter ses crêtes illiaques dianesques contre les poignées d'amour de la Hortensia en méditant un plan inédit sur lequel lancer ladite Hortensia, qui a le chic pour abandonner à ses faire-valoir le soin de déterminer l'orientation du jour, ou plutôt du soir, à imprimer à ses stupres.
Ca a commencé un 11 septembre, que j'disais. Ca a commencé par des bisous je m'souviens même, des bisous et des étreintes à la mimi pinson à faire gerber l'assistance, qu'en a pourtant vu des vertes et des trop mûres. Ca a commencé comm' ça, mais y avait qu'à regarder les lueurs qui dansaient dans les yeux de Laposte, spectateur impuissant du spectacle, comme nous autres qu'étions là, pour se demander si y'avait quoi qu'ce soit d'commencé. Elle s'y connaît en désastre, Laposte, et si tu la vois sourire, oublie tes illusions, bébé, c'est mort ; c'est mort et déjà r'froidi, bébé, bon pour la benne. Mais ce jour-là, elle a rien topé la Hortensia, elle était occupée, faut dire, ah ouiche, avec l'autre, là, LAGé.
Ouais, ca a commencé un 11 septembre, mais ya pas loin d'la porte du Ritz au tunnel de l'Alma, comme on est payé pour le savoir - mais j'vas trop vite, j'm'emballe, comme eux-même y-z-ont fait cett' nuit-là, les deux zoizeaux qui fonçaient vers le mur. Lamalèvre elle était au bar, qu'j'disais, avec la Hortensia et on zonait sec à jauger la marée sans se décider à jeter les filets. Morose. Mais ça dure pas trop la morosité à la MaiZon ; c'est pas qu'ça s'arrange, non, ça s'rait plutôt qu'ça dérape avant qu't'ai le temps de t'ennuyer. Alors ya ce loustic qui déboule de l'escalier, et c'est là qu'je le reconnais, LAGé. Les mecs, à la MaiZon, c'est toujours au déboulé de l'escalier que tu les remets, tu vois, pas quand y rentrent ou quand y sortent, ça non, mais quand y descendent ou quand y r'montent, avec le désir sur la gueule ou la bite sous l'bras, tu vois, y s'lâchent plus, y s'lâchent mieux, tu joues pas les stars quand tu fais sonner les marches d'la MaiZon, mon pote. Un peu comme chez Chanel tu vois, du temps d'la vieille, les modèles, rue Cambon, ça donnait tout dans l'escalier, pas sur le podium.
Alors j'la chope au déboulé du colimaçon, LAGé. C'est pas qu'je joue ma sociable, mais LAGé, c'est le gars qu'tu ménages même quand tu l'connais à peine, on sait jamais, va savoir s'il te f'ras pas la grâce de te laisser l'finir un des quat'. Et c'privilège là, il m'avait déjà été échu, tu vois, une fois dans l'temps, alors j'sais d'quoi j'cause. J'la chope, LAGé, et j'te l'embrasse et j'te lui passe la main dans l'dos et on cause deux minutes, et puis là, j'm'retourne vers la Hortensia et je lui présente le gars et j'ui dis, en pérorant comme une mondaine, qu'y sont fait l'un pour l'autre ; j'm'en souviens comme si c'était hier, tu vois, c'est comme un gros soleil noir dans ma tête. Je sais pas ce qui m'a pris, ce soir là. Hortensia, j'laime bien, j'ai voulu faire ma grandiose et lui abandonner LAGé au lieu d'aller me l'éponger au ranch, au bout du bar, que je sentais bien qu'il était pas encore sec le mec, mais non, j'ai pas fait ça, non, j'ai merdé, ouais.
LAGé, c'est le pote rêvé, tu vois, la providence des mauvais lieux, le genre de loulou qui te pose direct un bordel sur la place de Paris. C'est the coup. Du corps, des centimètres à gogo, du vocabulèr, de l'ardeur, pas farouche avec ça, et bye t'as des étincelles plein le crâne et il est déjà parti. Y en a pas beaucoup des comme ça, et quand t'as la chance d'en croiser un, tu remercies le Ciel et tu prend ton ticket. J'ai commandé un Get et j'ai tenu le crachoir au barman, celui d'avant, le seul et l'unique, d'ailleurs, selon certains, mais ça c'est une autre histoire, en attendant qu'Hortensia s'envoie en l'air. J'ai commandé un autre Get, et puis un autre, et puis encore un autre, en prêtant vaguement l'oreille aux rapports direct-live que me servait Laposte, avec ses lumières de mauvais augure dans les mirettes.
J'l écoutais pas trop Laposte, en fait, parce qu'Hortensia, c'est un pote, et ses plans culs, voilà bon bof. Et puis tout à coup, j'lai écoutée plus attentivement, j'sais pas si c'est parce que son ton tournait au sinistre, ou si c'est parce qu'elle sortait des mots d'plus en plus sale, genre "bisou" tu vois. Et puis j'les ai vus, les deux, là, Hortensia et LAGé, en cinémascope, avec Laposte en fond d'écran, un sourire sardonique incrusté dans sa face et deux yeux écarquillés avec marqué en gros et fluo, dans l'oeil droit CATA et dans l'oeil gauche STROPHA. J'ai flippé sévère mon gars, et j'me suis tourné vers le ptit prophète de la boutique, le ptit prophète qu'est un vieux sage et qui connait la vie mieux qu'toi et moi, j'me suis tourné vers minimoi parce que quand tout s'dérobe sous tes pieds, tu cherches du solide et qu'lui, même quand tu l'vois même plus sous les accessoires, tu sais qu'c'est tough, et qu'ça va pas s'écrouler même si c'est la fin du monde...
la suite au prochain épisode