
-71 av JC : la troisième guerre servile touche à sa fin dans le sud de la république romaine ; en Lucanie, Spartacus et son armée d'esclaves révoltés sont écrasés par les légions de Crassus. La répression est atroce : 6000 esclaves sont crucifiés sur la via Appia, entre Rome et Capoue.
C'est Argyllus Pellatartus, esclave récemment affranchi et artisan ferronnier de son état, qui fournit à la police de la république les 24000 clous nécessaires au supplice. Un joli coup, en vérité, qui marque le début de la fortune des Pellatartus. Argyllus, désormais fournisseur officiel du Sénat romain, raffle dès lors tous les marchés officiels, se pavane sur le forum en toge de popeline égyptienne à grands revers - toujours ornée d'une fibule affectant la forme d'un clou - et devient une figure incontournable des nuits romaines.
60 ans plus tard, Argyllus est mort mais la famille est toujours dans les affaires. Passés sans états d'âme du service de la république à celui des Césars, les Pellatartus & fils sont les maîtres d'oeuvre obligés des folies de Néron, Caligula, Tibère. L'histoire ne dit pas si la crucifixion d'un obscur nazaréen, à Jérusalem, dans les années 30, a été réalisée avec le concours de la firme Pellatartus mais la présence, sur les clous aujourd'hui conservés à la Ste Chapelle, de la marque "P" en dit long sur l'implication de cette famille dans les grands événements de l'antiquité.
2000 ans ont passé, les Pellatartus sont toujours aux commandes. On a laissé tomber la ferraille au profit des finances, et de l'empire romain on est repassé au service de la République, non plus romaine mais française cette fois.
Gigi - Argyllus XCVII pour les intimes - actuel chef de la maison, a conservé quelques forges pour le chic "200 familles" que cela confère à sa lignée, mais il fréquente davantage les palais de la république, où il s'occupe de grosses affaires de fournitures officielles, que les hauts fourneaux de Lorraine, et vous avez plus de chance de trouver de la feuille d'or, détachée des lambris de l'Elysée, sur les manchettes de ses chemises Charvet que de la limaille sur la tige des ses Berlutti.
Epris de vie nocturne, comme tous les Pellatartus, Gigi se la joue plutôt dénudé - lointaine rémanence des orgies romaines où brillèrent ses ancêtres - dans les bordels de la rive droite qu'il honore de sa clientèle. Si d'aventure vous l'y cherchez, vous le trouverez de préférence près d'une des croix de St André qui équipent d'ordinaire ces mauvais lieux. La crucifixion ? Pensez-donc ! Une affaire de famille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire